La 6e édition de la Biennale Lubumbashi, intitulée “Généalogies Futures: Récits depuis l’Equateur”, explore les possibilités de redessiner la cartographie du monde.
Un des sept pays africains traversés par l’Equateur, le Congo revendique le plus long segment du parallèle sur le continent. Ceci place la région non seulement au cœur de l’Afrique, mais aussi à l’intersection du globe, à l’intersection des hémisphères sud et nord. En affirmant cette position, la Biennale de Lubumbashi rejette le fantasme moderne du Congo en tant que « lieu sans importance à la périphérie de l’histoire culturelle » pour retrouver son profond enchevêtrement avec le monde et sa position centrale, passée et présente.
Sous la direction artistique de Sandrine Colard, la Biennale souhaite explorer le paradoxe géographique d’être située dans une région où l’histoire continue d’être ancrée dans la profondeur des ressources de son sol, mais dont la position unique a aussi le potentiel de servir de modèle pour déraciner les perspectives établies. S’inspirant de la notion de “décloisonnement” du philosophe Achille Mbembe, la Biennale déplie la ligne équatoriale pour faire s’écrouler les paradigmes de centre et de périphérie, de « Nord » contre « Sud ». Cette édition de la Biennale s’intéresse à cartographier ces liens et à retracer ces généalogies d’une manière neuve. À l’heure où la restitution des œuvres d’art africain pillé est devenue une question géopolitique brûlante, et alors que les institutions muséales du monde entier sont appelées à procéder à leur « décolonisation », l’art et l’image sont au cœur d’un changement dans la dynamique globale. La Biennale souhaite profiter de ce moment pour produire de nouveaux récits du passé et réimaginer une pluralité d’avenirs.
Ancrée dans l’histoire de la ville et de son passé photographique, la Biennale est conçue comme une plate-forme à deux volets – historique et contemporain. L’axe historique revisite les usages locaux de la photographie au Congo, tant par la propagande coloniale que par les praticiens africains de l’époque. A partir de recherches antérieures et d’un nouvel appel à images, l’intégration des archives privées dans la réinterprétation du passé colonial du Congo permet de renverser et de remodeler les récits historiques dominants. Par opposition à la situation contemporaine qui voit encore trop souvent l’Occident détenir l’exclusivité du commentaire sur le passé colonial, cette exposition se veut un rapatriement de la discussion sur les régimes visuels
coloniaux vers les communautés civiles et artistiques du Congo.
En approfondissant cette réflexion sur la déconstruction des récits du passé, l’axe contemporain propose aux artistes locaux et internationaux d’explorer les modalités d’invention de nouvelles constellations d’idées, de personnes et de communautés. Le projet est de décentrer les lectures de notre monde actuel en prenant l’équateur comme « latitude zéro, » et de reconstruire ses liens avec les deux hémisphères. Comment imaginer des histoires présentes et futures qui rendent justice à d’autres latitudes, tout en reconnaissant l’interdépendance de notre planète? A l’heure où l’urgence du changement climatique nous lie implacablement, il est impératif de décloisonner les anciennes généalogies tout en produisant de nouvelles solidarités qui ignorent les dichotomies, et parviennent à projeter des futurs enchevêtrés.
La Biennale de Lubumbashi est une initiative de l’association Picha et se tiendra du 24 octobre au 24 novembre 2019.www.biennaledelubumbashi.org
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