Dans ce pays, en passe de devenir la 1ère économie d’Afrique grâce à l’industrie pétrolière, l’exploitation du bois est un important pourvoyeur d’emplois dans le secteur informel.
Au sud du Nigeria, dans le delta du Niger, les derniers lambeaux de forêt tropicale humide sont convoyés sous forme d’immenses radeaux vers les principaux ports fluviaux de la région, bien souvent en toute illégalité.
Il aura fallu près de deux semaines à Anthony, le « chef » des convoyeurs, pour regrouper les commandes des divers acheteurs. Environ 800 billes de bois de 5 à 10 mètres chacune, et d’essences variées. Les plus précieuses sont destinées en majorité au marché international (20%).
Après deux semaines d’un chantier titanesque pour assembler les grumes en un unique radeau, c’est parti. Direction Sapele, l’un des plus grands ports du pays. C’est à la force des bras et des jambes, qu’Anthony et ses trois hommes manœuvrent l’embarcation.
Ils gagneront chacun en moyenne 28 centimes de dollars américains par tronc transporté, un bon salaire ici. 200 grumes sont cachées sous le radeau, dissimulées par des algues réparties stratégiquement. But de la manœuvre : éviter de donner trop d’argent aux petites mafias locales qui prélèvent une taxe sur chaque pièce transportée.
Le jour, il faut se signaler aux cargos à l’aide de T-shirts accrochés à des bâtons. La nuit, éviter les collisions avec les speed boat, qui alimentent discrètement le trafic de pétrole brut volé. La rivière porte les tristes traces de toute cette activité.
Au bout de neuf jours, les convoyeurs atteignent Sapele. Des dizaines de milliers de rondins sont déjà là, ils attendent de passer à la scierie avant d’être livrés. A l’image de ce qui se passe dans tout le delta, plus de la moitié sont illégaux. La constitution de réserves et de parcs nationaux n’y fait rien, les intérêts financiers en jeu et la corruption sont bien trop grands.
Si la déforestation continue à ce rythme, environ 400 000 hectares par an, les experts estiment qu’il n’y aurait plus de forêt au Nigeria en 2025.
Texte et photos Stéphane de Rouville