Shelly Mayanda est une jeune femme d’origine congolaise pleine de belles ambitions pour son pays la République du Congo. C’est avec ces ambitions et un désir de proposer quelque chose d’unique dans le domaine de la mode qu’elle a lancé en 2018 sa marque Ndozi (« rêve » en Kikongo) qui propose des sacs en rotin fabriqués par des artisans locaux et des foulards en soie. Hamaji magazine l’a interviewé pour découvrir ce si beau rêve aujourd’hui devenu réalité.
Que veut dire Ndozi ? Pourquoi ce choix de nom ?
Aussi prononcé « Ndoji » ou « Ndoshi », Ndozi signifie « rêve, vision » en Kikongo. À travers ce nom, nous voulons partager notre vision de l’avenir kongolais. Notre culture a un potentiel artistique peu exploité qui mérite d’être plus connu et vu sous un angle nouveau par nous congolais et très certainement à l’international. Chacune des créations Ndozi met en lumière la culture Kongo, tout en s’intégrant dans le contexte international actuel.
Comment est née la marque ?
Depuis plusieurs années, j’avais un profond désir de construire une marque de mode avec des valeurs fortes. Mon master en entrepreneuriat à la Sorbonne a confirmé ce désir de me lancer, et de me positionner sur une niche précise. L’avantage de ce positionnement quand on se lance, c’est qu’on peut avoir une proposition de valeur forte qui implique peu de concurrence. Je recherchais donc l’idée qui allierait parfaitement ma volonté de mettre à l’honneur le Congo (la niche) ainsi que mon amour pour la mode.
C’est lors du réveillon 2017 que j’ai eu enfin l’idée. Ma sœur revenait de vacances au pays (Congo-Brazzaville) avec un panier en rotin acheté auprès d’un artisan local. J’ai ressenti beaucoup de fierté en voyant ce panier, pur produit de la maitrise du raphia et de la vannerie qui se transmettent de génération en génération entre les deux Congo. La mode des produits tissés à la main commençait à prendre de l’ampleur sur le marché international, je savais que j’avais le produit rêvé entre les mains. C’est ce même sentiment de fierté que nous recherchons chez nos clients(es). Aujourd’hui, je pense qu’on ne peut pas se permettre de lancer une marque sans réfléchir aux émotions que nos produits vont procurer. Nous avons plus que jamais besoin d’une histoire à laquelle s’identifier.
Vous avez donc commencé comme ça ?
Oui, nous étions conscientes que l’opportunité devait être vite saisie, nous avons travaillé tout le mois de janvier sur le modèle Mwasi. Partant du sac initial, il a fallu le moderniser pour l’adapter à une clientèle internationale, standardiser les formes, tailles et modèles, faire des études de coûts et rentabilités, et essayer de dormir un petit peu aussi ! En février, nous shootions les premières photos de campagne à Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville. Pour moi, le succès d’une marque de mode se base en grande partie sur l’image, il nous fallait donc beaucoup de belles images pour pouvoir inonder notre Instagram et celui de nos futurs abonnés. C’est en avril que la boutique en ligne et l’Instagram furent lancés, et en mai 2018 les premières ventes ont commencé !
Tu es basée en Belgique. Pourquoi avoir choisi de faire faire les sacs au Congo ? Les foulards sont-ils également faits au Congo ?
La culture Kongo est l’ADN de la marque, il est important pour nous qu’un maximum de la production profite directement aux artisans, artistes et designers locaux. De plus, j’alterne entre la Belgique, la République du Congo et la France, donc mon lieu d’habitation n’était pas un critère déterminant. Chaque produit dicte en quelque sorte les contraintes de sa production.
Le modèle initial du Mwasi est une création kongolaise. Nous n’avons fait que moderniser un modèle qui existait déjà culturellement entre les deux Congo. Anses, couleurs et marketing furent nos seules innovations. En produisant les bases au Congo, nous pouvons participer à l’économie congolaise en faisant travailler les artisans locaux et en leur offrant l’opportunité d’un marché plus global. Il y a quelques contraintes logistiques et de lenteur de production, mais le bonheur et la fierté qu’on en tire sont sans limites.
Et le pagne ?
La réflexion autour du Liputa (pagne en Lingala) était de partager un bout de l’histoire congolaise à travers des dessins et motifs imaginés et dessinés par nous. Les liputas font aujourd’hui partie de l’histoire congolaise en particulier, et africaine en général. Au lieu d’acheter un tissu déjà fait, on s’est lancé le défi de créer notre tissu, un tissu Ndozi. Plutôt que d’utiliser le classique coton, nous avons voulu apporter une touche plus luxe, avec du 100 % soie. Nos motifs s’inspirent de l’ancien Royaume Kuba, et de la tribu Mbuti situés tous deux en RDC. Une fois les motifs dessinés, nous les avons fait digitaliser par un professeur de dessin, lui aussi congolais. Nous ne pouvions pas aller plus loin dans la production au Congo, car nous ne disposons pas du savoir-faire d’impression sur soie. Nous nous sommes donc tournés vers l’Angleterre, pour leur maitrise des techniques et leur savoir-faire. Les Liputas en soie sont une parfaite fusion d’histoire, de style et de modernité. Notre but est que chacune de nos créations apporte un message positif et d’amour autour de notre culture que ça soit à travers les procédés de fabrication, mais aussi dans les inspirations.
Pouvons-nous attendre d’autres pièces bientôt ?
Bien sûr ! Nous avons hâte de vous faire découvrir notre future collection de Liputas en soie et sacs. Néanmoins, tout cela prend du temps, car nous sommes une petite équipe et nous devons aussi nous concentrer pour pérenniser la production et la logistique.
Y a-t-il une « femme Ndozi » ? Comment la décrirais-tu ?
La femme Ndozi, c’est celle qui regarde vers l’avant, elle a plein de projets pour le futur de l’Afrique, en restant toujours consciente de la richesse de sa culture. Au niveau style, elle est audacieuse, aime les produits de qualité intemporels pour pouvoir les transmettre de mères à filles.
Comment veux-tu que les gens voient le Congo à travers ta marque ?
Je souhaite que les gens voient le Congo comme un pays débordant de créativité, d’audace et de bonne humeur ! Tourné vers un avenir rempli d’opportunité pour et par un peuple qui ne se décourage jamais.
Interview: Brigitte Mbaz pour Hamaji Magazine