L’Institut français de Goma, en partenariat avec la Fondation Carmignac et la Ville de Paris, a présenté à Goma en RDC, du 28 janvier au 19 mars 2022 « Les Forêts du Kivu », une exposition du photojournaliste congolais Guerchom Ndebo.
Ce reportage photographique, réalisé dans le cadre de l’Initiative de Paris pour la préservation des forêts d’Afrique centrale, s’est inscrit dans la continuité de CONGO IN CONVERSATION, le reportage collaboratif lancé par Finbarr O’Reilly, lauréat de la 11e édition du Prix Carmignac du photojournalisme, auquel Guerchom Ndebo a participé.
Quatrième pays forestier au monde et deuxième pour les forêts primaires humides derrière le Brésil, la République démocratique du Congo abrite aujourd’hui 155 millions d’hectares de forêt tropicale, soit les deux tiers de sa superficie et plus de la moitié de l’immense forêt du bassin du Congo, qui couvre six pays africains. En vingt ans, la RDC a vu disparaître plus de 5 millions d’hectares de couvert forestier et un nombre encore inconnu d’espèces dans l’une des dernières réserves de biodiversité végétale et animale de la planète. Selon des projections de Greenpeace, elle pourrait même perdre 40 % de ses forêts d’ici 2050. Parmi les neufs parcs nationaux du pays, deux concentrent aujourd’hui les menaces écologiques et climatiques, mais aussi militaires, économiques, sanitaires, démographiques et sociales qu’affronte un des pays les plus pauvres au monde. Il s’agit des parcs nationaux de Virunga et de Kahuzi-Biega, dans la région du Kivu à l’est de la République démocratique du Congo.
En septembre 2021, Guerchom Ndebo a documenté les différents prismes de la déforestation dans cette région, dans la continuité de son reportage sur l’insécurité et le commerce du charbon.
Son travail a été exposé du 5 octobre au 15 novembre 2021 sur les grilles de la Tour Saint-Jacques à Paris, dans le cadre de l’Initiative de Paris pour la préservation des forêts d’Afrique centrale. L’exposition présentée à l’Institut français de Goma, voyagera dans les mois à venir vers d’autres Instituts français de la RDC.
GUERCHOM NDEBO
Guerchom Ndebo vit à Goma. Il a participé au reportage collaboratif CONGO IN CONVERSATION, réalisé par Finbarr O’Reilly, lauréat du 11e Prix Carmignac du photojournalisme (2020-2021).
Artiste, photographe et réalisateur, Guerchom Ndebo utilise la photographie pour communiquer son goût des sujets complexes et stimuler la réflexion sur des problèmes contemporains. Au coeur de son approche artistique se mêlent les idées d’égalité, de différences culturelles, de solidarité et de décadence. Sa participation au projet CONGO IN CONVERSATION a été une porte d’entrée dans le photojournalisme et lui a permis, comme aux autres participants, d’améliorer sa manière de raconter une histoire en images. Depuis le lancement du projet, il été contacté par Getty Images et a commencé à couvrir en freelance l’actualité de l’est de la RDC. En mai 2021, il a suivi l’éruption du Nyiragongo pour l’Agence France Presse et son travail a été publié dans le New York Times, CNN, RFI, USA Today, The Irish Times et à la une du Globe and Mail canadien. Dans les semaines qui ont suivi, il a continué à travailler régulièrement pour l’AFP et pour plusieurs ONG et agences de l’ONU. Il a également été lauréat du LensCulture.
www.guerchomndebo.com

A woman emptying a can of palm oil into a small bottle in the central market of Kadutu in Bukavu on September 06, 2021.
L’INSTITUT FRANÇAIS EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
L’Institut français en République démocratique du Congo est une force de soutien à la création artistique pour contribuer à l’émergence d’une scène culturelle congolaise et un pôle de référence pour la promotion et la diffusion de la culture et de la langue française.
Il est également un centre d’apprentissage du français à travers les sessions de formations certifiées en français et Campus France, une agence de promotion de l’enseignement supérieur français. Lieu de diffusion des idées, il organise régulièrement des débats ouverts sur les grands sujets de la société congolaise.
L’Institut Français de RDC est un réseau présent sur l’ensemble du territoire congolais, La Halle de la Gombe à Kinshasa, La Halle de l’Étoile à Lubumbashi mais encore La Halle des Grands Lacs à Bukavu et La Halle des Volcans à Goma, inaugurée en 2017. C’est également un réseau de partenaires avec les Alliances françaises des différentes provinces de République démocratique du Congo, notamment celle de Kisangani.
institutfrancaisgoma.org/
LE PRIX CARMIGNAC DU PHOTOJOURNALISME, PARTENAIRE DE L’EXPOSITION
En 2009, face à une crise des médias et du photojournalisme sans précédent, Edouard Carmignac crée le Prix Carmignac du photojournalisme afin de soutenir les photographes sur le terrain. Le Prix soutient, chaque année, la production d’un reportage photographique et journalistique d’investigation sur les violations des droits humains dans le monde et les enjeux géostratégiques qui y sont liés. En investissant des moyens financiers mais aussi humains dans la production de ces reportages, et dans leur diffusion avec une exposition itinérante et un catalogue, dans une démarche d’intérêt général, le Prix Carmignac met en lumière les crises et défis que traverse le monde contemporain.
La 11e édition porte sur la République démocratique du Congo. Elle s’est tendue sur deux ans en raison de la crise sanitaire (2020-2021). Le lauréat, Finbarr O’Reilly, a lancé le projet CONGO IN CONVERSATION, réalisé avec la collaboration de journalistes et photographes locaux.
fondationcarmignac.com
L’INITIATIVE DE PARIS POUR LA PRÉSERVATION DES FORÊTS D’AFRIQUE CENTRALE
La succession des crises environnementales et climatiques marquant l’actualité illustre l’importance de la protection de la biodiversité et des forêts primaires. Dans ce contexte, la Ville de Paris et Le Monde Afrique, en partenariat avec l’Association Internationale des Maires Francophones ont organisé, le 6 octobre 2021 à l’Hôtel de Ville et en ligne, une conférence qui a réuni un ensemble d’acteurs locaux et internationaux, scientifiques, citoyens et décideurs autour des enjeux liés à la préservation des forêts du bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète. Tous appellent l’urgence d’agir pour protéger cette région, son écosystème et ses populations.
initiative-forets-afrique.paris
CONTACTS
FONDATION CARMIGNAC / PRIX DU PHOTOJOURNALISME
Emeric Glayse – Directeur adjoint de la Fondation Carmignac
Margaux Granjou – Responsable du Prix [email protected]
CONTACT PRESSE
Myrtille Beauvert – Attachée de presse
+1 (347) 295 7694
[email protected]
FONDATION CARMIGNAC
Olivier Ibanez – Directeur de la communication et du développement
Camille Protat – chargée de communication
+33 7 85 55 03 07
[email protected]

A woman emptying a can of palm oil into a small bottle in the central market of Kadutu in Bukavu on September 06, 2021.
Interview de Guerchom Ndebo
« À partir du premier cliché lors de l’éruption du Nyiragongo, j’étais convaincu d’avoir fait le bon choix. »
Lauréat du prix AFP Avenir Photo 2021 pour la couverture de l’éruption du volcan Nyiragongo, Guerchom Ndebo a réalisé « Forêts du Kivu ». À propos de cette exposition sur la déforestation, il nous explique sa démarche, ses rêves et revient sur les coulisses de son travail sur l’éruption du Nyiragongo.
Nous vous félicitons pour votre prix Albert Khan 2021. Comment avez-vous vécu l’annonce de votre sacre ?
C’était une surprise, je ne m’y attendais pas du tout. Je n’avais pas soumis d’application et le jury a découvert mon travail d’une manière tout à fait hasardeuse. Ce prix me motive pour travailler encore plus. Il n’y a pas beaucoup de photojournalistes et ce prix peut être un accélérateur pour le métier. Pour moi, c’est un véritable coup de pouce.
Quel impact a eu ce prix sur votre vie de photojournaliste ?
Déjà une bonne visibilité sur mon travail et un carnet d’adresses plus fourni. Dans ma démarche artistique, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des personnes qui aujourd’hui m’orientent par leurs conseils et leurs expériences.
Comment est née cette passion pour la photo ?
Je suis cinéaste de formation. Plus tard, j’ai ressenti le besoin de raconter des histoires autrement qu’avec des films. Je me suis alors tourné vers la photo. « CONGO IN CONVERSATION » est devenu ma porte d’entrée dans le photojournalisme.
Quelles sont vos références?
Finbarr O’Reilly et Marco Longari sont tous les deux des mentors et des inspirations pour moi. Avec eux, j’ai la possibilité d’avoir des retours sur mon travail.
Racontez-nous votre rencontre avec Finbarr O’Reilly.
Je l’ai trouvé sur les réseaux sociaux. Cela faisait un moment je le suivais sur Instagram et quand j’ai remarqué que d’autres photographes de Goma participaient au projet « CONGO IN CONVERSATION », je lui ai écrit pour contribuer. Il m’a demandé de lui montrer mes réalisations et tout est parti de là. J’ai travaillé avec lui pendant le confinement et il m’a aidé à soigner mon éditing, mon image, mes textes. J’ai beaucoup appris de lui.
Votre travail sur l’éruption du Nyiragongo a fait le tour du monde. Racontez-nous ce qui s’est passé en coulisses.
Tout est parti de l’appel d’un ami qui constatait que le ciel était plus rouge que d’habitude. Je suis monté sur le toit pour prendre des photos et en voyant les mouvements de population, j’ai senti que quelque chose d’anormal se passait. En apprenant que le volcan est entré en éruption, j’étais partagé entre l’envie de fuir pour me protéger et la responsabilité de rester et documenter ce qui se passait. J’ai alors décidé de rester. J’ai pris mes affaires, mes documents et mon appareil. Dès le premier cliché, j’étais convaincu d’avoir fait le bon choix. Pendant la soirée, l’AFP voulait des photos et j’ai envoyé celles que j’avais qui ont tout de suite été publiées. J’habite au bord de la route, les gens passaient devant chez moi et ils n’avaient pas le temps de discuter. Je prenais des photos et ensuite je les leur montrais pour qu’ils sachent qu’elles seraient publiées.
Qu’avez-vous ressenti en voyant vos photos illustrant l’éruption sur les grands médias du monde?
Rester pour documenter ces événements est vite devenu une évidence et je me suis rendu compte que j’étais né pour être photojournaliste. C’était comme une révélation, je me disais que la décision de rester m’était venue du fond de moi. Je me suis plus accroché au métier de photojournaliste à partir de l’éruption du Nyiragongo.
Venons-en à l’exposition « Les forêts du Kivu », comment le projet est-il né et fut-il réalisé ?
Je désirais documenter une réalité de Goma pour « CONGO IN CONVERSATION ». J’ai suivi la chaîne de production du makala* pour comprendre le phénomène derrière cette activité.
Ensuite, j’ai documenté toutes les activités dans le Parc National de Kahuzi-Biega, à l’intérieur et à l’extérieur du parc. Quand on parle de l’environnement et des forêts en RDC, on ne parle que de la déforestation. Cela est vrai, mais d’un autre côté, ce sont les mêmes arbres qui font le makala, les planches pour la construction, pour les ponts, etc.
Il y a une économie autour de ces activités et cela soulève un questionnement. Cette documentation par l’image vient renforcer les rapports écrits et ramène le sujet dans les milieux urbains. Je pense qu’il est difficile de demander à une communauté qui vit avec moins d’un dollar par jour d’arrêter de couper les arbres lorsqu’il s’agit de leur seule forme de revenu. Je pense qu’il faut mettre en place une politique de compensation pour ces populations.
Comment votre travail a-t-il été reçu par le public de Goma ?
Le public s’est approprié cette exposition. Il s’agit d’une étape plus importante qu’un simple rapport rédigé ou une sensibilisation non visuelle. La majorité a compris que la question était complexe. C’était un angle nouveau pour aborder ce sujet et faire le lien économie-environnement. L’exposition est conçue en une suite d’histoires pour permettre au public de suivre la complexité de la question.
Comment vivez-vous à Goma, en tant que photojournaliste ?
C’est un type de journalisme assez récent. Nous ne sommes pas nombreux donc nous essayons de donner forme au métier. Il y a encore quelques années, le photojournalisme était une sorte d’accessoire pour les journalistes rédacteurs. Notre génération se consacre essentiellement à la photo. De ce fait, nous n’avons pas beaucoup d’opportunités de mentorat de la part de nos confrères en ce qui concerne l’image. C’est pour cette raison qu’il est important que vous travaillons en équipe.
Après « Forêts du Kivu », quels sont vos prochains projets?
D’abord, continuer de documenter, raconter et montrer nos histoires. C’est mon plus grand projet. Mon rêve est de partager mon travail et mes connaissances avec mon entourage. J’aimerais que la communauté de photojournalistes s’agrandisse et que grâce à l’apprentissage sur le terrain, d’autres jeunes se joignent à l’aventure.
Merci Guerchom Ndebo.
Par Iragi Elisha pour Hamaji Magazine