Parce qu’ils sont malades ou tout simplement de trop, de nombreux enfants sont jetés à la rue au prétexte qu’ils seraient sorciers.
« C’est maman qui m’a chassé. Parce que je mangeais trop. On m’a frappé pour que je dise que j’avais la sorcellerie. Puis, Maman m’a amené à l’église de Bima Là, on a dit que j’étais un sorcier. On m’a mis de l’huile sur les yeux pour me délivrer. Mais après, à la maison, maman m’a dit de partir, parce que j’étais sorcier. »
Comme 80 % des 30.000 mineurs estimés qui vivent dans les rues de Kinshasa, Sankas,13 ans, est devenu un « Shégué » suite à des accusations de sorcellerie proférées par sa famille et confirmées par une Eglise indépendante.
Plus de 7.000 dans la capitale congolaise, ces communautés religieuses récentes sont devenues un rouage essentiel dans le processus qui mène certaines familles kinoises à abandonner leurs enfants. En procurant une caution spirituelle aux familles dépassées, ces cultes aux inspirations diverses, stigmatisés sous le nom d’Eglises de réveil, ont transformé, en moins de 20 ans, un phénomène restreint en une réalité sociale banale acceptable.
Absence de services de base, d’assistance sociale, d’Etat tout court : les familles sont souvent désemparées face à l’adversité (maladie, mort, perte d’un emploi… sont généralement à l’origine des accusations) et au nombre de bouches à nourrir. Elles se tournent alors vers ces Eglises, pour y trouver soutien ou conseil. Les pasteurs, qui monnayent exorcismes et prières, affirment bien sûr fournir des solutions à ces foyers en crise.
Conséquence : chaque mois, environ 650 enfants débarquent dans les rues de Kinshasa, 65 bébés y naissent, un tiers seulement est en contact avec une association. Ces enfants constituent une société parallèle, autonome, qui vit de la débrouille et de la prostitution. Le butin qu’ils sont censés amasser dans « le second monde » ne les aide pas dans le premier.
Texte : Caroline Six
Photos : Gwenn Dubouthoumieu