Au Sénégal, la lutte est un phénomène omniprésent ayant tellement gagné en popularité qu’il a dépassé le football. Les grosses affiches brassent des dizaines de millions de FCFA et chacun a son lutteur fétiche.
La lutte était autrefois une fête rythmique, qui permettait tout en se divertissant de mesurer la valeur et l’adresse des guerriers. Ce sport était jadis pratiqué dans les campagnes pour célébrer la fin des récoltes chez les ethnies Sérères et Diolas, qui restent jusqu’à ce jour un vivier d’excellents lutteurs. Le but est simple : faire trébucher ou éjecter du cercle son partenaire tout en lui donnant des coups ou recourant au corps à corps (lutte avec frappe). Mais le spectacle ne s’arrête pas là. En effet, se greffe alors tout un folklore mystique et quasi religieux symbolisé par des rites, des chants et des processions typiques de la culture Sénégalaise mais aussi Gambienne.
Dès l’arrivée au stade, on peut déjà sentir l’effervescence de l’évènement. Les supporters de chaque équipe, en folie, crient a tout va. Avant chaque affrontement, le Berekat se livre au Baccou qui consiste à chanter ses prouesses en vue d’intimider l’adversaire et de séduire son public en dansant au rythme du tam-tam. Les chants sont alors entonnés par les ndawrabines, femmes habillées en tenue traditionnelle et dansant avec leur foulard durant toute la durée de la lutte. Entre également en scène le Simb (Faux Lion), toujours présent lors des spectacles traditionnels, qui représente à l’origine un rite de possession.
Mais le plus impressionnant reste toute de même les marabouts et leurs gris-gris. En effet, quel serait l’intérêt d’un combat de lutte sans son attirail de rituels et de croyances qui donnent à l’évènement toute sa substance, sa tension et sa magie ? Chaque écurie a son marabout dont le rôle est de protéger le lutteur contre le mauvais sort et les esprits. Le lutteur va alors avant chaque combat, se purifier le corps et l’esprit avec les potions desquelles il sera aspergé par son marabout (une star peut avoir jusqu’à 20 marabouts). Les femmes ne peuvent cependant pas s’approcher des lutteurs pendant leur préparation car cela perturberait le travail des marabouts, et sont donc exclues des combats, dû à ce mysticisme mais peuvent cependant être dans les tribunes.
Mais le phénomène a prit de l’ampleur, surtout depuis les années 70 ou la lutte traditionnelle s’est transformée en lutte a frappe qui s’est professionnalisée. Désormais les lutteurs se battent plus pour leur gloire personnelle ainsi que pour leur quartier ou village et la lutte va dépasser son cadre ludique et traditionnel pour devenir une activité lucrative à fort potentiel. Fini donc le temps où l’heureux vainqueur repartait avec du bétail, des céréales ou d’autres biens. Les places de villages sont vite supplantées par des arènes et, à l’aube des années 80, par des stades où les supporters se sont transformés en vrais Hooligans nécessitant donc une forte présence policière. On ne parle plus de prix mais de cachets qui peuvent atteindre des centaines de millions de FCFA. Depuis, de multiples écuries de lutteurs ont vu le jour, 138 officiellement et de plus en plus de jeunes rêvent de devenir les futures stars de la lutte.
Tous les jours sauf le weekend end, ces futurs athlètes s’entrainent sans relâche après leur travail sur la plage. Apres cinq minutes d’entrainement avec eux notre cher photographe n’a pas tenu le coup ! La lutte s’exporte de plus en plus à l’étranger et certains rêvent même que ce sport intègre les Jeux Olympiques.
À voir…
Texte : Nathalie Bardin
Photos : Jean-Marc Lederman