En janvier dernier, à Addis-Abeba, des millions de Chrétiens orthodoxes se sont unis pour commémorer le baptême du Christ. Cette célébration, le Timkat, qui correspond à l’Epiphanie, a généralement lieu aux alentours du 19 janvier.

Bien que cette fête religieuse soit célébrée par les Chrétiens du monde entier, elle à une signification particulière en Ethiopie, où elle constitue l’évènement le plus important et le plus pittoresque de l’année.

C’est lors de mon retour en France en janvier dernier que j’ai eu l’occasion de faire un arrêt en Ethiopie pour quelques heures : Douze heures et vingt-trois minutes pour être précis.
Mon sac photo sur le dos,  prêt à me laisser emporter, je me présente au comptoir d’accueil de l’hôtel. La réceptionniste me renseigne. « Il va falloir prendre un taxi pour aller en centre-ville. Mais le marché est fermé aujourd’hui !  Aujourd’hui, c’est le Timkat. Tout est fermé. La ville entière se rejoint à Jan Meda. Je peux vous indiquer comment y aller ! »
En l’espace de quelques secondes, je viens de découvrir deux éléments qui bercent la vie de millions d’Ethiopiens, le temps d’un weekend. Je viens surtout de comprendre que je vais passer une journée unique. « La chance du débutant » me dis-je, adressant un sourire amusé à l’Univers.
Dans le taxi qui se faufile à travers la foule condensée, je fais une recherche rapide sur ce mystérieux Timkat. Cette célébration commémore le baptême du Christ dans le Jourdain, c’est également le jour de l’Epiphanie éthiopienne. Elle est spécifique à l’église orthodoxe Ethiopienne, une des plus vieilles branches du Christianisme, qui ne compte pas moins de cinquante millions de fidèles. À Addis-Abeba, les membres des différents diocèses de l’Eglise escortent, dans une parade multicolore, les Tabots sacrés (réplique de l’Arche d’Alliance) vers les différents plans d’eau alentours. La fête se déroule sur trois jours et suit le calendrier copte éthiopien.

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Arrivée aux portes de Jan Meda, un immense parc en périphérie de la ville, c’est une explosion de sensations : Les prières et les chants émanent des quatre coins du cortège, l’encens de Boswellia se diffusent lentement, embaumant les pèlerins qui convergent difficilement vers l’entrée. Je me faufile à travers ce labyrinthe humain et parvient à pénétrer dans l’enceinte sacrée. Un prêtre tout de noir vêtu bénit de sa lourde croix les fidèles qui s’abaissent devant lui.

À l’entrée de Jan Meda, les fidèles s’avancent un à un vers ce prêtre, tout de noir vêtu, pour se faire bénir. Sur chaque dos, le prêtre apposera sa lourde croix.
« D’ou viens tu ? » m’interpelle mon voisin de cohue. Je lui explique que je suis de passage pour la journée et que je rente en France, chez moi. Je lis dans ces yeux cette lueur de fierté que je sois, aujourd’hui, au milieu de cette foule, à ses cotés. Tout en se dirigeant vers un attroupement dont certains sortent complètement trempés, Il me raconte que Timkat est un mot issu de la langue Guéze – Ethiopien ancien – qui signifie « immersion dans l’eau », référence au baptême du Christ.

Quelques gouttes effleurent mon visage. Soudain, c’est un torrent. Je protège mon appareil photo par reflexe avant même d’essayer de savoir d’où cette eau provient. Levant la tête, je comprends alors. Perché sur de multiples promontoires, de jeunes prêtres arrosent la foule en transe à l’aide de simple tuyau d’arrosage. Les gouttes pleuvent, les sourires volent. Cette pluie d’eau préalablement bénite est accueillie avec émotion et délivrance.

Dans un tumulte incessant, la foule en liesse se précipite vers les promontoires afin de se faire asperger d’eau bénite.

Au fil des heures, je ne cesse de shooter, de me délecter de l’allégresse générale et de m’émerveiller de la beauté des visages Ethiopiens. « Yann, crois tu en Dieu ? » me demande soudain Salomon. Un peu désemparé, Je lui réponds que je crois bien en une puissance supérieure, ce fameux Univers- mais pas en un Dieu, en une représentation. Je vois instantanément de la déception dans son regard mais surtout de la tristesse. De la tristesse pour moi de ne pas avoir un Dieu qui puisse me protéger et me guider sur les pas de la vie. Il me sourit.

Je vis cette journée intensément et profite de tout ce qu’il m’est offert de voir, sentir, ressentir. Je prends conscience que la Foi peut être belle, unificatrice et ouverte. Des valeurs que je n’arrivais plus à associer à la religion. Je me sens rempli de gratitude et remercie Dieu – qu’importe son nom, qu’importe son image – de m’avoir offert une si belle journée, sur les terres du berceau de l’humanité.

Texte et photos Yann Macherez