Mohamed Ali a perdu son dernier combat contre la maladie de Parkinson, mais il restera à jamais dans le cœur des boxeurs du club « La Tête Haute de Mohamed Ali » celui qui remporta chez eux le « Combat du Siècle ».
Au stade Tata Raphaël de Kinshasa, la trentaine de boxeurs, hommes, femmes et enfants, qui s’entraînent presque chaque soir, semblent sonnés par la nouvelle : le 3 juin, Mohamed Ali est mort à Phoenix, aux Etats-Unis, des suites d’une insuffisance respiratoire. Le roi du ring avait 74 ans, et en avait passé 32 à se battre contre la maladie de Parkinson. 32 ans, c’est l’âge que qu’il avait lorsqu’il affronta George Foreman, qui n’en avait que 24, le 30 octobre 1974 dans ce même stade. Un combat dont le souvenir est encore vivace dans l’esprit de ces boxeurs, même si la plupart sont trop jeunes pour y avoir assisté. Ici, tout le monde revendique l’héritage de Mohamed Ali. Pour Safi Kikongo, la nouvelle championne de Kinshasa, il « est une source d’inspiration ». Pour Jonathan, qui vient de décrocher sont baccalauréat et qui a rejoint le club il y a à peine une semaine, il « est une légende ». Puis il précise : « c’est en regardant le documentaire « When we were kings », consacré au Combat du Siècle, que j’ai eu envie de devenir boxeur. Sa mort m’a fait très mal ! Nous avons perdu un grand boxeur ».
Les combats et les échauffements s’enchainent au milieu d’une foule de curieux. Parmi eux, nombreux sont venus observer la percutante Rosette Ndongala, 23 ans, médaillée d’or au Cameroun du 4e championnat d’Afrique féminin junior, dont la musculeuse silhouette la distingue et prouve le sérieux de son entrainement. Le visage sévère, cette ancienne enfant des rues boxe dans le vide. Puis son coach arrive : « Gauche ! Droite- droite ! » Rosette cogne dur, en laissant échapper un grognement rageur. Judex Tshibanda a créé le club de boxe en 1984, sous le nom de « Jeunesse Olympiade », après avoir raccroché les gants, mais pas avant d’avoir décroché 2 titres de champion d’Afrique, en 1979, en Egypte, et en 1981, en Angola. Sa rencontre avec Mohamed Ali y a peut-être contribué. « À l’époque du Combat du Siècle, j’étais le plus jeune boxeur junior du club du quartier Boyoma. J’accompagnais Mamba Shako et Mukanda Bilsuza, qui travaillaient comme sparing partners pour Mohamed Ali. J’ai donc eu la chance extraordinaire d’assister à ses entrainement ! Quand je suis devenu boxeur sénior, je me suis entrainé à la corde comme lui ». En 1995, il est le premier coach à ouvrir son club aux filles. « Mobutu avait dit que toutes les femmes devaient travailler comme les hommes, dans toutes les discipline, dans tous les domaines, alors moi je me suis dit pourquoi pas la boxe ! ». Depuis 3 ans, le club, renommé « La Tête Haute de Mohamed Ali » en 2009, en l’honneur du champion et suite à la visite d’une de ses filles, accueille également de jeunes enfants pour des sessions de boxe éducative. Avec 67 licenciés de tous âges, malgré le manque criant de moyens, la relève semble assurée pour la boxe kinoise. Et avec la mort son modèle, Judex se prend à rêver d’un grand événement commémoratif qui braquerait de nouveaux les projecteurs du monde entier sur Kinshasa… « avec l’aide de l’ambassade américaine ».
Texte et Photos Gwenn Dubourthoumieu